Peintures de manuscrits arabes, persans et turcs de la Bibliothèque Nationale

Remarques

[1] Le rouge ne paraît que très discrètement dans ces peintures: moins il y en a, plus elles sont anciennes, plus on en trouve, plus elles sont modernes, et il en est de même pour les tapis.

[2] Entre les années 1447 et 1449 de notre ère, si l’on admet que ce livre a été copié pour Oulough Beg quand il devint sultan de l’empire timouride après la mort de son père, Shah Rokh Béhadour. Sous le règne de Shah Rokh, Oulough Beg avai tété investi du gouvernement de la Transoxiane (1409), et il portait le titre de sultan. Il est préférable d’admettre que ce livre fut exécuté avant l’époque à laquelle Oulough Beg fit commencer ses observations astronomiques par Salah ed-Din Mousa, Ala ed-Din Koushtchi, Ghiyas ed-Din Djemshid et Moïn ed-Din. L’observatoire de Samarkand, où ces travaux furent exécutés, fut bâti en l’année 1420.

[3] On lit, au verso du dernier feuillet du manuscrit, cette note écrite de la main de Galland:
ce manuscrit turkestan
est suremt. plus ancien
de 248 ans par dessus 1684 présent 25.9br.
248
1436
ce qui est parfaitement exact, et ce qui montre, d’une façon péremptoire, que l’illustre et modeste orientaliste pouvait lire ce manuscrit ouïghour et comprendre ce qui y est écrit. Ce livre est resté une énigme indéchiffrable pour les savants du XVIII siècle, et ce fut Abel Rémusat qui retrouva la clef de son écriture et de son interprétation. Je ferai remarquer que c’est tout à fait à tort que, mû par un puéril sentiment de jalousie rétrospective, M. Pavet de Courteille, dans la préface de son Miradj-nameh, a prétendu que Rémusat n’avait jamais été capable de lire ce manuscrit d’un bout à l’autre (sic), pour faire croire qu’il était le premier à avoir eu ce mérite. Abel Rémusat a mené à bien d’autres travaux plus difficiles, comme on s’en rend facilement compte en lisant ses Recherches sur les langues tartares qui n’ont jamais été dépassées.

[4] Ce n’est pas la seule trace de l’influence byzantine et chrétienne qui se remarque dans ce curieux manuscrit: on y trouve, au folio 32 v°, la représentation d’un ange qui a quatre têtes, une d’homme, une de lion, une de phénix, et une de boeuf; il est élémentaire d’y voir le syncrétisme des attributs des quatre Évangélistes.

[5] Les oeuvres de Mir Ali comprennent deux énormes volumes cotés 316 et 317 dans le supplément turc; ce dernier ne contient aucune peinture, mais seulement des en-têtes en or et en bleu, dont quelques-unes sont d’une perfection inimitable; il porte la date de 1526. On trouve au commencement du premier volume, le 316, une très bonne notice de la main de Cardonne, et cette note, au moins singulière: «Mr. Cardonne a fait prendre Ces Manuscrits de la veuve du Sr. Armain en 1757. Non payé». En 1746 et 1747, Armain fut envoyé en Egypte et en Turquie avec Fourmont pour y acheter des manuscrits, mais cette mission n’aboutit pas. En 1725, Armain, qui était alors premier drogman à Alexandrie, avait déposé à la Bibliothèque du Roi huit volumes turcs, persans et arabes, dont il demandait 1660 livres, mais dont il n’obtint que 560 livres. (Delisle, Cabinet des manuscrits, I, 419, 373).

[6] M. Martin, qui a vu des miniatures signées par le célèbre Behzad, me dit qu’il est tout à fait vraisemblable que les peintures de ce manuscrit des oeuvres de Névaï ont été exécutées par cet artiste.

[7] Le fond de cette miniature n’est malheureusement pas complètement terminé. J’ai déjà signalé, dans un article paru dans la Revue archéologique de 1905, que les peintures qui illustrent ce manuscrit se divisent en deux séries: l’une qui appartient entièrement à l’art timouride issu des procédés des écoles mongoles, et qui est représentée par la peinture du folio 415 verso; l’autre, dans laquelle on voit déjà poindre les procédés qui seront portés à leur exagération et à leur paroxysme par les peintres de l’époque des Séfévis; elle est constituée dans le présent recueil par les miniatures des feuillets 169 recto, 350 verso et 356 verso.

[8] Cette attribution est donnée au folio 82 recto; on lit, au folio 1 recto, d’une main très postérieure, que ce manuscrit a été offert comme souvenir à Michel, fils du ministre de Russie, le kniaz comte Samounadj (?).

[9] Les dates de ce manuscrit présentent des difficultés bizarres: un de ses possesseurs a altéré, on se demande dans quel but, celle de la souscription, 964 (1556), en 994 de l’hégire (1585), et le peintre a écrit la date de 963 d’une façon tout à fait insolite; de plus, le chiffre 6 a été altéré et ressemble à un 9, ce qui m’a porté, dans un article publié dans la Gazette des Beaux-Arts, à placer à tort l’exécution de ces peintures en l’année 1585.

[10] Baber, dans ses Mémoires (trad. de Pavet de Courteille, tome I, page 398), affirme que cet ouvrage a été écrit par un littérateur nommé Kémal ed-Din Hoseïn Kazirguéhi, qui affectait la conduite des Soufis, mais qui ne l’était pas en réalité, et qui, grâce à ses allures mystiques, parvint à s’insinuer dans la confiance de Mir Ali Shir Névaï. Les «Séances des Amants mystiques», d’après Baber, sont une oeuvre très médiocre, pleine de mensonges et d’absurdités, et le souverain mongol déclare qu’il est ridicule d’y voir l’oeuvre de Sultan Hoseïn. En réalité, ce livre, qui est moins mauvais que le prétend Baber, a bien pour auteur Kémal ed-Din Hoseïn Kazirguéhi, mais il est clair que Sultan Hoseïn n’était pas du tout fâché de se l’attribuer.

[11] On trouve, sur le premier feuillet de ce manuscrit, une analyse des peintures qui l’ornent, et qui a été faite en 1833 par Ahmed Shamlou, sur l’ordre du prince Mahmoud Mirza Kadjar, fils de Feth Ali Shah, qui fut un poète d’une certaine valeur. Ces notices sont d’ailleurs assez médiocres; leur auteur déclare que ce manuscrit est incomparable et qu’il n’a pas son pareil dans tout l’univers. Cette opinion est exagérée, mais il est certain que ce livre est très beau.

[12] On lit, sur un onglet de papier qui a été relié en tête du manuscrit, cette note d’Otter: «La Personne qui m’a vendu ce petit manuscrit m’a assuré qu’il avoit été écrit pour Abbas second Roi de Perse par un des plus fameux écrivains de ce tems, et que les peintures etoient du célèbre Peintre Chefi El Abbasi, J’ai acheté ce manuscrit à Ispahan».

[13] Il contient, dit Armain dans une très bonne notice de cet exemplaire, écrite sur l’une des pages de garde, «une histoire Romanesque indienne sur les amours d’un amant et d’une amante dont le nom est incertain. L’amante se Brusle avec le corps de son amant qu’elle devoit épouser l’ayant trouvé mort lorsqu’elle arriva chés luy ou on l’avoit amenée pour y être attachée par les liens du mariage n’ayant pas voulu survivre à son amour. Elle voulut absolument etre Bruslée avec son corps sur lequel elle se jetta lors que le Bucher sur lequel il etoit enflemmé comme on le voit par la dernière représentation». L’attribution des peintures de ce manuscrit à la seconde moitié du XVII siècle me paraît assez justifiée, car, si l’on en excepte celle qui est reproduite ici, et qui est encore très belle, on y remarque des signes non équivoques de décadence.

[14] Nicolao Manucci fut le premier médecin d’Aurengzeb dont il quitta le service en 1690; il a publié en 1700, en trois volumes, l’Istoria de Mogol en très partes de Nicolao Manuchi, Veneziano; de Reinado de Orangzeb, Guerras de Golconda e Visapour coin varios successos até a era de 1700. Il mourut vers 1710.

[15] («Avant de sortir du Royaume du Mogol, pour contenter ma curiosité, dit Manucci dans une notice préliminaire, Je fis peindre par le moyen d’un de mes amis nommé Mirmahamad officier de la Livrée du Prince Châhââlem, tous ces portraits des Rois et Princes depuis Tamerlan jusques à Aurengzeyb et les Fils et petits Fils de ce dernier; ensemble les Portraits des Rois de Viziapour et de Colconda avec quelques uns des principaux Princes Gentils et autres fameux Généraux, le tout tiré sur les Portraits originaux de la maison Royale. Personne, que je sache, n’a encore donné au Public ces portraits, ou, si quelques Curieux l’a fait, ils n’ont rien de commun avec les miens. Ceux-ci étant les véritables, au lieu que ceux lá ne peuvent être que faux, car pour les avoir je n’ai point épargné la dépence et J’ai fait de grands présents et çà été avec beaucoup de difficulté et de grands misteres avec promesse de garder le secret, que je les ai eus, je ne donne point les Portraits des Reines et Princesses, par ce que c’est une chose impossible de les voir, d’autant quelles sont toujours cachées et si quelqu’un les a donnés, on ne doit pas y ajouter foy ne pouvants estre que des figures de femmes publiques danseuses etc. qu’ils ont fait tirer suivant la fantaisie du Peintre. On doit se souvenir que tous les Portraits qui ont la Resplandeur (l’auréole) et le Parasol sur la tête sont du sang Royal».